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     La Déclaration d’Alexandrie

 
Introduction

1- Les participants à la conférence intitulée « Les réformes dans le monde arabe : visions et mise en oeuvre» se sont réunis à la Bibliotheca Alexandrina à Alexandrie du 12 au 14 mars 2004. Cette Conférence s'est tenue en coopération avec des représentants de la société civile du monde arabe. Les participants ont discuté des éléments de réformes nécessaires au développement des sociétés arabes. Les débats ont porté sur la nécessité et l'urgence d'une réforme qui émane de l'intérieur de la société arabe et, réponde aux aspirations des peuples en vue d'aboutir à un projet de réforme global. Cette réforme doit porter sur les domaines politiques, économiques, sociaux et culturels. Ce projet de réforme doit s'adapter à la situation particulière de chaque pays et se concevoir dans un cadre commun afin de permettre à chaque pays d'engager ses propres réformes tout en renforçant la présence des pays arabes sur la scène internationale et en luttant contre leur isolement. Ce projet de réforme doit s'accompagner d'un renforcement de la coopération au niveau régional pour faire du monde arabe un acteur déterminant sur le plan international.

2- Les réformes sur le plan intérieur ne doivent pas empêcher de rechercher une solution pour le règlement des problèmes régionaux tels qu'ils se posent actuellement. La juste et équitable résolution de la question palestinienne représente une priorité, et doit s'appuyer sur les accords internationaux déjà signés qui prévoient l'établissement de deux états indépendants chacun doté d'une autorité pleine et entière. Il est également nécessaire de régler la question des territoires occupés et d'obtenir des garanties sur l'indépendance de l'Irak et sur le respect de son intégrité territoriale. Par ailleurs, le Proche-Orient doit être libéré de la présence d'armes de destruction massive et les conflits territoriaux doivent être résolus par des voies pacifiques. Ces questions ne doivent pas représenter un prétexte pour intervenir dans les affaires intérieures du monde arabe, ou le mettre à nouveau sous domination étrangère.

3- L'histoire et la culture des peuples arabes, la vision qu'ils expriment de leur avenir amènent les participants à la conférence à condamner tout acte de terrorisme, quelle qu'en soit la forme ; à traiter des conséquences néfastes de toutes espèces de fondamentalisme religieux ; à incarner les valeurs de la tolérance et de l'interaction créative des cultures et des civilisations.

4- Les peuples arabes ont acquis en cours de leur longue histoire une expérience qui leur permet de contribuer à formation de la civilisation universelle, de s'organiser pour gérer leurs affaires et de procéder à la réforme de leurs situations actuelles selon une liste de priorité dans l'ordre qui suit :


Réforme Politique

5- La réforme politique comprend toutes les actions menées par le gouvernements la société civile et afin de mener sans délai les pays arabes sur le chemin de la démocratie.

6- Lorsqu’en tant que représentants de la société civile arabe, les participants à la conférence parlent de « système démocratique », il s’agit de la vraie démocratie qui varie selon les différences historiques et culturelles de chaque pays et dont l’essence demeure unique. La démocratie est un système politique où la liberté est la valeur première et essentielle, qui rend possible l’alternance du pouvoir, à travers un pluralisme respectueux du droit à la libre expression de chacun. Cette démocratie doit s’accompagner d’institutions politiques fortes, notamment des organes législatifs élus, un pouvoir judiciaire indépendant, un gouvernement soumis au contrôle parlementaire et à l’opinion publique, et permettre l’émergence de partis politiques indépendants. Elle exige de protéger toute forme de liberté d’expression, en particulier celle de la presse, des mass média et des moyens modernes d’information et de communication. Elle nécessite l’organisation d’élections libres et périodiques, aussi bien au niveau national que local pour assurer l’alternance du pouvoir, la souveraineté du peuple et la mise en oeuvre de la décentralisation, permettre aux sociétés locales de disposer de la liberté d’expression et libérer les forces créatives dans le contexte de leurs spécificités culturelles.

7- Une telle démocratie exige la transparence absolue dans le fonctionnement de la vie publique, la lutte contre la corruption, dans un cadre qui assure la présence d’un gouvernement attentif aux droits de l’homme tels qu’ils sont reconnus par les accords internationaux, notamment les droits de la femme, de l’enfant et des minorités, et les droits fondamentaux des prévenus dans les procès criminels, ainsi que la garantie d’un traitement humain des citoyens. Ces souhaits sont conformes à toutes les expériences antérieures de démocratisation.

8- C'est pourquoi, les participants proposent un ensemble de propositions concrètes pour engager la réforme politique jugées prioritaires en s'appuyant sur un partenariat entre le gouvernement et la société civile.

REFORME CONSTITUTIONNELLE ET LEGISLATIVE

9- Puisque chaque constitution nationale représente le fondement de la législation, son contenu ne doit pas être en contradiction avec le type de système politique choisi par chaque société. Ces constitutions au niveau national doivent être en harmonie avec les accords internationaux des droits de l'homme. Le texte de chaque constitution doit impérativement traduire les changements déjà effectués et les évolutions en cours. Dans certains cas il sera nécessaire de modifier les articles de la constitution qui s'opposent aux exigences de la démocratie réelle ; dans d'autres cas il conviendra de promulguer des constitutions modernes dans les pays qui n'en sont pas encore doté. Une telle démarche visera à éliminer l'écart existant entre les textes de loi et les objectifs de la société en faveur du développement démocratique. Les caractéristiques de telles constitutions comportent :

a) Une séparation claire des pouvoirs législatif et exécutif.

b) La mise en œuvre d'une bonne gouvernance garantissant une alternance pacifique du pouvoir dans chaque pays et fondée sur le respect des institutions et de la législation et non pas en fonction du bon vouloir

c) L'organisation d'élections libres et démocratiques qui assurent l'émergence de la démocratie et mettent fin à la monopolisation du pouvoir en limitant son exercice dans le temps.

d) La suppression des condamnations pour délit d'opinion dans tous les pays arabes. La libération des personnes détenues à ce titre en attente de jugement.

REFORME STRUCTURELLE ET INSTITUTIONNELLE

10- Un système politique démocratique dépend de l'existence d'institutions fortes incluant les pouvoirs exécutifs, législatifs et juridiques, ainsi qu'une presse et des médias libres et l'émergence d'une société civile. Le fonctionnement démocratique de ces institutions doit être garanti et reposé une transparence absolue et sur une limitation dans le temps des mandats électifs sans possibilité d'exception à la règle.

11- Ainsi, les représentants de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes à la conférence re- affirment la nécessité de l'annulation de l'état d'urgence en vigueur dans certains pays arabes et de la suppression des tribunaux d'exception extrajudiciaires, parce qu'ils sont en contradiction avec le fonctionnement démocratique du système politique. Les lois ordinaires permettent de lutter contre tous les crimes: recourir à l'état d'urgence s'avère injustifié. Il s'agit d'une exigence essentielle en matière de réforme démocratique. Il faut en outre, s'efforcer de créer un cadre législatif adapter à la lutte contre le terrorisme sans compromettre les libertés civiques et les droits politiques du peuple.

**** des Libertés

12- La liberté de création de partis politiques dans le cadre de la constitution et des lois nationales qui laissent à tous les courants intellectuels et aux pouvoirs civils et politiques le droit d'exposer leurs programmes et de participer à une compétition ouverte pour le pouvoir.

13- la ratification par ceux des pays qui n'en sont pas encore signataires des conventions et accords arabes et internationaux suivants devrait être mise en œuvre sans délai.

a) La déclaration universelle des droits de l'homme.

b) Le pacte international des droits civils et politiques

c) Le pacte international des droits économiques, sociaux et culturels.

d) Le projet de rénovation de la charte arabe des droits de l'homme, préparé par le groupe des experts arabes (décembre 2003)

e) Les accords internationaux des droits de la femme visant à abolir toute forme de discrimination à leur égard.

f) La charte internationale pour garantir une meilleure existence à l'enfant arabe.

14- Libérer la presse et les mass médias de l'influence et de la domination du gouvernement. La liberté de la presse est l'un des piliers du système démocratique, le reflet clair de la liberté d'expression, et le pilier essentiel de la transparence. Cette liberté de la presse peut être assurée par le développement des moyens d'information, la libéralisation des lois sur la publication des journaux et la céation de chaînes de télévision de radiodiffusions et basées sur l'indépendance de la propriété et de la gestion et sur la transparence de leurs financements, afin de permettre aux journalistes d'exercer leur métier sans interférences des autorités.

15- La liberté de créer des institutions civiles par la modification des lois qui limitent la formation des coopératives, des syndicats et des associations politiques, sociales, culturelles ou économiques en garantissant leur libre financement et fonctionnement autonome. Le problème des financements étrangers devrait être réglé en se basant sur les modèles mis en œuvre dans les sociétés développées. Sans doute, la modification du cadre des lois qui régissentt la société civile vient en tête des questions liées au développement démocratique de la société, à la mise en œuvre de la participation à tous les aspects de la vie politique, la suppression du sentiment de l'exclusion et de la marginalisation chez le citoyen arabe, faute de chances de participation efficace à la vie politique. Et enfin, l'assurance de la participation active de la société civile pour faire face aux problèmes qui exigent un travail collectif bénévole.

16- Encourager de l'opinion publique à s'exprimer librement et sans entraves, puisqu'elle est considérée comme un des piliers du système démocratique. L'établissement d'institutions et de centres de recherches pour sonder l'opinion publique arabe d'une façon régulière sur toutes les questions politiques, sociales et économiques, afin disposer d'informations précises utiles aux décideurs et aux planificateurs sociaux. D'après ces informations, ils peuvent dresser un plan clair et net sur l'évolution de l'opinion publique et les changements à prendre en compte


Reforme Economique

17- La réforme économique doit porter sur l'ensemble des législations, politiques et mesures d'accompagnement permettant la libération des forces vives des acteurs économiques et assurant un développement en accord avec les lois du marché. Cette réforme doit garantir la prospérité économique et faciliter l'intégration au niveau régional et sous régional dans le cadre de l'économie mondiale.

18- En effet une telle réforme mettra un terme à de nombreuses polémiques sur la nature du système économique dans les pays arabes, permettra de définir avec précision le rôle de l’Etat, les relations entre l’Etat et le marché et d’intégrer pleinement la dimension sociale du développement.

19- Tous Les participants à la conférence ont souligné que les performances actuelles des économies arabes sont largement inférieures aux défis auxquels ses sociétés font face et ne permettent pas la pleine valorisation des ressources humaines et matérielles disponibles en abondance dans le monde arabe. Afin de mieux préparer le futur et d'améliorer cette mauvaise performance économique des pays arabes une réforme économique en profondeur s'avère indispensable. De plus les participants ont souligné que tout retard de la mise en œuvre de ses réformes sur le plan économique sera assorti d'un coup élevé. Un certain nombre d'indicateurs résument l'état actuel de l'économie dans les pays arabes :

a) Baisse du taux de croissance du revenu national en comparaissant avec indicateurs internationaux.

b) Baisse de la participation du monde dans le commerce international. Concentration des exportations du monde arabe en matières première de base et marginalisation dans les exportations des produits à forte valeur ajoutée.

c) Baisse des flux de capitaux étrangers en direction du monde arabe et des investissements directs et indirects.

d) L'échec des politiques de création d'emplois permettant de faire face à l'afflux de nouveau participants chaque année sur le marché de travail entraîne une augmentation régulière du taux de chômage qui se concentre en particulier sur les jeunes et les femmes.

e) L'augmentation régulière du taux de pauvreté dans certaines couches de la population. Pauvreté qui touche de manière disproportionnée les chômeurs et une partie non négligeable de la population des actifs.

20- Les politiques suggérées et suivies dans la région s’attachent principalement à établir une stabilité complète et à réduire le taux d’inflation à travers le triptyque stabilisation- privatisation – libéralisation. Ce programme et cette politique n’ont pas suffisamment intégré des domaines aussi prioritaires que la lutte contre le chômage, le maintien et le développement des services sociaux.

21- Dans un monde arabe caractérisé par la croissance rapide de la jeunesse, l'emploi des jeunes, la qualité de l'éducation et des services sociaux, ainsi que les programmes de soutien aux petites entreprises sont parmi les éléments essentiels à la mise en œuvre de la réforme. Il est donc nécessaire de déterminer clairement les priorités de réforme et de confirmer l'importance de créer un cadre institutionnel qui servira l'établissement d'une réforme exhaustive aussi bien économique que sociale.

La Réforme Structurelle

22- En partant de ce qui précède, les participants ont émis les propositions selon les axes suivants:

a) Les pays arabes doivent élaborer des plans clairs assortis de calendriers contraignants en vue de mettre en œuvre des réformes institutionnelles et structurelles, qui déterminent le rôle incitatif de l’Etat dans le domaine économique et qui crée un environnement favorable aux secteurs privé et public. L’Etat doit s’engager à effectuer des changements radicaux dans les services administratifs officiels, à réduire la bureaucratie, à rendre plus efficace le rôle des organisations officielles en rapport avec les investisseurs, les importateurs et les exportateurs ;

b) Encourager les programmes de privatisation, en particulier dans le secteur bancaire selon les législations en vigueur sur le plan national. Réduire l’intervention de l’Etat dans l’économie, sauf dans les domaines stratégiques et les biens publics et supprimer les monopoles gouvernementaux qui ne se justifient pas, afin de rendre optimale la participation du secteur privé et d’attirer plus d’investissements, pour faciliter la création de nouveaux emplois.

c) Définir les critères et règlements visant à l’amélioration de la qualité des produits nationaux et créer des conseils au niveau national en vue de stimuler la compétitivité entre produits et d’établir un système de contrôle et d’évaluation continue de la qualité des biens produits dont les résultats seront publiés régulièrement.

d) Mettre en œuvre une bonne gouvernance, en insistant sur l’importance du principe de la transparence et de l’exercice des responsabilités ainsi que l’application stricte des décisions de justice.

e) Etant donné l’importance de l’information pour l’aide à la décision qui doit s’appuyer sur des éléments fiables et objectifs, il est nécessaire de promulguer des lois et règlements obligeant les détenteurs d’informations et de données économiques à les communiquer à tous ceux qui la demandent ; la communication de ses informations doit s’inspirer de règles et de principes clairs et transparents et qui permettent la création et le développement de bases de données exhaustives des économies arabes.

f) Les participants ont aussi appelé à la création de mécanismes appropriés de formation des travailleurs dans le domaine économique comme la création des associations des hommes d’affaires, les unions bancaires, le renforcement du système judiciaire par la formation des juges spécialisés dans le domaine commercial.

23- Concernant les dimensions régionales, nous proposons de :

a) Assurer le développement du secteur financier dans les pays arabes en général et de leurs services bancaires en particulier ; ceci afin d'encourager la création de grands groupes bancaires, de moderniser les marchés financiers arabes et d'assurer leur interconnectivité.

b) Développer les infrastructures de la technologie de l'information dans le monde arabe et leur interconnexion.

c) Œuvrer à la conclusion d'accords entre pays arabes assortis d'objectifs réalistes et atteignables tout en définissant les secteurs prioritaires qui concourent le plus à la réussite de la coopération économique tels que : les secteurs du transport, de l'électricité et de l'énergie, de la technologie de l'information, et de la communication. Créer un comité de suivi affilié au Conseil de l'Union Economique Arabe pour présenter périodiquement les résultas obtenus au Sommet arabe et assurer la publication des rapports d'avancement.

d) Définir un cadre strict pour la libéralisation des échanges dans le domaine des services dans le monde arabe.

e) Organiser le marché du travail en formulant et en signant une convention collective qui régisse les flux de main d'œuvre dans le monde arabe et précise une durée fixe et les conditions précises d'emploi en fonction des pays d'accueil de la main-d'œuvre. Toutefois, les pays d'origine devront garantir les compétences et la qualité de la main-d'œuvre envoyée. Il faut de même préparer des programmes de formation permettant à la main d'œuvre arabe de s'intégrer aux marchés étrangers selon des protocoles et des critères d'évaluation accrédités par les pays d'accueil.

f) Fonder une institution financée et dirigée par le secteur privé dans le monde arabe pour former les cadres en matière de gestion et pour préparer de nouvelles générations aptes à mettre en œuvre les programmes de réforme.

24- Pour augmenter l'efficacité du Monde Arabe, sur la scène économique internationale, nous proposons de :

a) Demander aux pays industriels d'ouvrir leurs marchés aux produits arabes, notamment dans le domaine agricole.

b) Assurer l'intégration des économies arabes dans l'économie mondiale en augmentant les exportations de produits et de services, en élevant le niveau des investissements étrangers dans ses pays, en profitant des chances de formation et de travail sur les différents marchés. Les participants ont suggéré la création d'un comité de haut niveau dans le cadre de la Ligue Arabe dans ce domaine. Ce comité aura pour mission de suivre les questions liées au commerce international afin de faciliter l'insertion des pays arabes dans l'Organisation Mondiale du Commerce, de coordonner leur action et de défendre leurs intérêts. Il aura également pour mandat de faciliter la formation des cadres arabes leur permettant de négocier les conditions de la libéralisation du commerce et de l'agriculture et d'accroître la présence des produits industriels sur les marchés internationaux.

25- Et pour accélérer l'investissement, nous proposons de :

a) Lutter sérieusement contre les obstacles auxquels doivent faire face l'investissement arabe et étranger ;

b) Créer un mécanisme efficace pour la résolution les conflits éventuels entre investisseurs et administration nationale.

c) Traiter uniformément l'investissement arabe et les investissements internationaux dans les pays arabes.

d) Encourager la créativité et attirer les investissements nécessaires pour la recherche et le développement. Développer des projets dans les secteurs productifs et de services à grand rendement. Assurer la protection nécessaire aux droits de la propriété intellectuelle.

e) Protéger l'environnement dans toutes les activités économiques.

26- Attaquer de manière frontale et déterminée le problème de la pauvreté sous ses différentes facettes: marginalisation sociale et politique, baisse de participation au processus de décision et absence de possibilités d'évolution. Ainsi les politiques de lutte contre la pauvreté ne peuvent uniquement être basées sur l'accélération du taux de croissance économique. Il convient d'annoncer officiellement le lancement d'un programme exécutif planifié dans le cadre des objectifs fixés pour le troisième millénaire par les Nations Unies pour la lutte de la pauvreté sur le plan mondial.

27- Vu l'importance du problème de l'emploi, spécialement pour les jeunes et les femmes, nous suggérons de :

a) Développer des programmes de financement des petits et micro-projets, ce qui contribuera à remédier au problème du chômage, tout en permettant aux femmes de recevoir un financement adapté à la réalisation de leurs projets.

b) Valoriser la participation des femmes dans le développement des ressources humaines nationales en prenant en compte leurs compétences et leurs qualifications.

c) Passer en revue les politiques économiques dans une perspective claire: Assurer un emploi aux cinq millions de personnes qui entrent chaque année sur le marché du travail arabe, et trouver une solution au problème du chômage des jeunes. Cela ne peut pas être réalisé sans la mise en œuvre de politiques visant à augmenter le taux de croissance économique réel entre 6% et 7% par an durant les dix prochaines années. Cela nécessite de définir des politiques intégrées et à forte lisibilité, afin d'augmenter le flux des investissements et d'encourager les épargnes nationales et étrangères.

28- Les participants à la conférence affirment que s'il était permis à la société civile arabe et au secteur privé de chacun des pays arabes de fonctionner sans restrictions ni contraintes, l'impact de cette libération serait fortement sentir dans le domaine économique. Une telle contribution de la société civile permettrait une pleine participation à la définition des priorités de réforme, de partager la responsabilité de sa mise en œuvre avec les gouvernements et le secteur privé. La société civile prendrait en charge le suivi des démarches des gouvernements en faveur de l'exécution des promesses de la réforme.

29- Les participants ont demandé à la Bibliotheca Alexandrina , afin de mettre en œuvre les propositions contenues dans cette Déclaration, de préparer en collaboration avec la Ligue Arabe , une série de conférences générales et spécialisées pour discuter en profondeur de ces sujets selon leur importance et leurs affinités, pour répondre aux défis commerciaux arabes tant au niveau national que régional, et pour soumettre aux gouvernements des propositions concrètes. Parmi les sujets les plus importants, il convient de noter:

a) Les secteurs financiers arabes et les contraintes qui pèsent sur les investissements,

b) Le système douanier commun et le commerce entre les pays arabes,

c) La compétitivité du monde arabe et les critères d'évaluation, y compris l'établissement de conseils nationaux pour la compétitivité et l'unification des standards de performances,

d) Les incubateurs dans le domaine technologique,

e) La gestion des ressources publiques dans le monde arabe,

f) L'évaluation juste de l'activité économique,

g) Le développement et le renforcement de la presse économique spécialisée.


Reforme Sociale

30- Reconnaissant que le monde arabe recèle un fort potentiel de ressources dans le domaine social et culturel, il est temps d'assurer leur développement harmonieux afin de fonder une société arabe forte et cohérente, capable de résoudre ses problèmes et conséquent d'accéder rapidement au progrès et de participer à l'évolution mondiale. L'atteinte de ces objectifs implique de progresser dans les domaines suivants:

a) Faire évoluer la nature des relations familiales de façon à former des individus indépendants, capables d'assumer des responsabilités et de faire des choix autonomes. Cela nécessite de passer en revue certaines valeurs qui jusqu'à aujourd'hui influencent négativement la société arabe, telles que la soumission et l'obéissance inconditionnelles qui doivent être remplacées par les principes d'indépendance, de dialogue et d'interactions positives.

b) Le rôle des médias est ici primordial pour la formation de la culture générale des citoyens. Il faut souligner leur importance dans l'émergence des nouveaux principes en faveur de la réforme comme les principes de l'égalité, de la tolérance, de l'acceptation d'autrui, de la précision, de la perfection et de l'engagement, principes à la base de la transformation de la société arabe en une société moderne active.

c) Amener les sociétés arabes vers l'acquisition, la diffusion et la production du savoir. Il faut ici traiter cinq aspects importants et complémentaires :

  •Assurer le développement humain et accorder la priorité à l'évolution des systèmes éducatifs nationaux.

  •Mettre en œuvre le progrès technologique et assurer le développement des infrastructures qui lui sont nécessaires.

  •Modifier les stratégies de la recherche économique.

  •Soutenir le secteur privé et les initiatives qui vont dans le sens de la créativité.

  •Fournir un environnement favorable au savoir sur le plan politique, culturel et économique.

31- Pour garantir la mise en œuvre de ce qui précède, les participants recommandent ce qui suit :

a) Etablir des critères arabes équivalents aux critères mondiaux, par lesquels il serait possible de mesurer et d'évaluer les performances de l'éducation à tous les niveaux d'apprentissage. Ces critères fourniront une base à partir de laquelle chaque pays pourra agir.

b) Fonder des institutions pour la mesure et l'évaluation de la qualité de l'enseignement dans chaque pays arabe. Ces institutions indépendantes seraient liées entre elles au niveau régional et permettraient la libre circulation des citoyens dans le monde arabe.

c) L'Etat doit continuer à assumer ses responsabilités envers les institutions éducatives, publiques ou privées. Il doit leur fournir soutien et financement, tout en garantissant leur indépendance sur le plan pédagogique. De même, il doit encourager la contribution de la société au financement de l'éducation universitaire dans un but non lucratif.

d) Soutenir la recherche scientifique en augmentant les ressources financières et humaines qui lui sont attribuées, en la rattachant aux institutions de production et de développement et en éliminant les obstacles bureaucratiques qui empêchent la liberté de recherche et de production scientifique.

e) Favoriser la décentralisation dans la gestion des institutions éducatives pour assurer leur souplesse.

f) Mettre en accord les débouchés du système éducatif et les besoins évolutifs du marché du travail, du développement économique et de la création d'une puissance compétitive.

g) Appeler la société civile à participer au financement de l'éducation et à contribuer à son administration et à son contrôle dans les sociétés arabes.

h) Garantir le droit des étudiants à participer à la vie politique : manifestations pacifiques, liberté d'expression, respect de la démocratie dans les élections des unions étudiantes, participation à la gestion des affaires éducatives et respect du droit d'opposition.

i) Mettre fin à l'analphabétisme dans un délai de moins de dix ans, en particulier pour les femmes.

j) S'intéresser à la langue arabe et développer ses programmes d'enseignement, et trouver un accord sur les principes d'évaluation comparée dans les pays arabes, en ce qui concerne les premières cycles de l'enseignement.

32- Chercher à garantir la stabilité des sociétés arabes. Ceci nécessite la formulation de politiques efficaces visant à la juste répartition des richesses et des revenus de la production dans les différents domaines. Dans ce contexte, la marginalisation de certains groupes doit prendre fin, en établissant et en appliquant des politiques qui respectent les accords internationaux concernant les droits de l'homme. Il faut également s'intéresser à la cause de la femme en lui accordant un rôle plus actif dans le développement de la société et en supprimant toute forme de ségrégation qui la vise, pour souligner l'importance de sa contribution politique, sociale, économique et culturelle. De même, il faut s'intéresser à la cause de l'intégration des jeunes, approfondir leur appartenance à la société, présenter des solutions rapides au problème de l'emploi des jeunes et promouvoir les objectifs de développement qui les concernent. Enfin, il est nécessaire de promouvoir la situation des enfants arabes et de définir les politiques sociales nécessaires pour répondre aux besoins des handicapés et des personnes âgées dans la société arabe. Pour affronter le problème de l'augmentation des taux de pauvreté il faut formuler une stratégie efficace à la lumière des solutions proposées par l'ONU et les autres organisations internationales.

33- Afin de lutter efficacement contre certains aspects négatifs liés à l'abus de pouvoir dans les domaines politiques, économiques ou sociaux dans les pays arabes, les participants à la conférence trouvent nécessaire de formuler un nouveau contrat social entre l'Etat et le citoyen dans le monde arabe. Ce contrat devra déterminer avec précision les droits de l'Etat et ses devoirs envers le citoyen, aussi bien que les droits du citoyen arabe et les moyens de les respecter.


Réforme Culturelle

34- Les participants à cette conférence prenant en considération les problèmes et les défis nationaux et régionaux, ont défini les priorités culturelles fondamentales comme:

a) La consolidation des fondements la pensée rationnelle et scientifique en encourageant et en finançant les institutions de recherche scientifique, et en laissant à la société civile la liberté de contribuer au développement de ses institutions. Parallèlement, il s'agit d'éradiquer les sources de l'extrémisme religieux dont les traces subsistent toujours dans les programmes d'enseignement, les sermons des mosquées et les médias officiels et non-officiels.

b) Encourager la modernisation du discours religieux pour incarner l'aspect culturel instructif de la religion. Ceci requiert la liberté de pensée et doit permettre aux savants et aux chercheurs d'émettre de nouveaux jugements religieux pour le bien de l'individu et de la société et faire face à toutes les formes de fanatisme strict dans la compréhension des textes religieux qui s'éloignent de leurs principes universels.

c) Promouvoir l'accès des femmes à la culture et réaliser l'égalité complète avec l'homme dans les domaines de l'éducation et du travail pour l'efficacité de la structure sociale.

d) Créer un environnement culturel propice à l'évolution démocratique et à l'alternance pacifique du pouvoir, en s'attaquant aux habitudes rigides et aux nombreuses pratiques de corruption qui pourraient entraver l'efficacité de la vie politique. Il faudrait également de changer le statut politique et social de la femme, parce que le développement culturel est la base de tout développement. La première étape de la réforme ne peut réussir que dans un contexte démocratique, ainsi que par l'enseignement et les média.

e) La modernisation du discours culturel et sa libéralisation des anciennes habitudes d'intolérance en même temps que la modernisation de tout ce qui se rapporte à ce discours dans les médias, le monde politique et social.

f) Réformer les institutions culturelles arabes et leur donner un rôle actif, en les soutenant financièrement et moralement, de façon à développer leur créativité. Il faut également coordonner le travail des institutions dans le domaine culturel.

g) Chercher à abolir toutes les formes de censure dans le domaine intellectuel ou culturel, pour consolider la liberté de pensée et renforcer les processus de créativité, loin de toute tutelle, qu'elle d'opère au nom de la religion, des traditions, de la politique ou de ce qu'on appelle l'intérêt public. L'évolution des sociétés est conditionnée par la liberté totale de ces créateurs et penseurs dans leurs différents domaines d'activité.

h) Soutenir l'activité culturelle au niveau national, et mettre en relief le principe de la dépendance mutuelle dans les économies de la culture.

i) Protéger la langue arabe et moderniser ses mécanismes pour les adapter aux nouvelles techniques numériques à l'âge de l'information.

j) Encourager les échanges culturels avec le monde entier, de façon à affirmer l'idée de la diversité humaine créative, et la contribution active aux organisations mondiales d'une façon qui ne contredit pas la particularité culturelle du monde arabe soulignée par les dimensions humanistes d'un patrimoine original.

k) Souligner l'idée que la science est une composante essentielle de la culture et de la pensée, pour l'avenir. Cela renforce, dans la conscience culturelle publique, l'importance de la société du savoir qui est le chemin exemplaire vers le progrès dans tous les domaines.

l) Documenter l'actualité culturelle arabe par des rapports et des statistiques annuelles qui définissent les mécanismes de la production et les formes de suivi. De même, coordonner les efforts dans l'organisation des activités des syndicats arabes qui travaillent dans les domaines culturels et en publier leurs résultats.

35- Activer les échanges culturels dans le cadre régional comme suit :

a) Exclure la production culturelle arabe des restrictions de la censure et des droits de douane, dans tous les pays arabes, et développer le niveau de compétitivité des programmes par rapport aux programmes étrangers.

b) Développer les projets de publication électronique des journaux, des magazines et des livres, pour résoudre les problèmes de diffusion des imprimés arabes.

c) Améliorer le travail des institutions arabes de traduction, gouvernementales et non-gouvernementales, et coordonner leurs travaux aussi en arabe que dans les autres langues.

d) Encourager les réalisations intellectuelles au niveau national et régional en faveur de la créativité dans toutes les disciplines de l'expression culturelle. Cet encouragement peut prendre la forme de l'attribution de prix de valeurs ou toute autre forme de reconnaissance.


Mecanismes de Suivi avec la Societe Civile

36- Pour mettre en œuvre les différents aspects de la réforme arabe, les participants à la conférence jugent indispensable d'installer un certain nombre de mécanismes de suivi qui permettent de veiller à la mise en œuvre concrète de ses suggestions et recommandations. A cet égard, il faut insister sur le rôle de la société civile arabe dans la réforme, en particulier dans les différents domaines du développement durable. Les mécanismes en seront les suivants :

a) La création d'un Forum pour la réforme arabe à la Bibliotheca Alexandrina. Ce Forum sera un espace ouvert pour les initiatives et les dialogues intellectuels et les projets arabes, portant sur la réforme arabe et l'établissement de toutes les formes de dialogue et de coopération avec les institutions de la société civile dans le monde. Ces activités se dérouleront à travers des conférences et des colloques, arabes et internationaux, autour des sujets du développement en général et, surtout, le rôle des jeunes et de la femme dans ce développement. Il faudra également exécuter les projets de coopération dans les différents domaines du développement. Sera liée à ce forum la création d'un observatoire social arabe pour suivre, observer et évaluer les activités de la société civile arabe et les projets de la réforme politique, économique, sociale et culturelle en s'appuyant sur un nombre exhaustif d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs.

b) Les institutions de la société civile arabe dans chaque pays de la région devront choisir un nombre de modèles d'institutions non-gouvernementales qui ont réussi dans le domaine du développement et des droits de l'homme. Elles en présenteront les activités et les impacts dans une conférence générale qui aura lieu chaque année dans un des pays arabes, pour souligner le rôle de la société civile dans le développement.

c) Organiser des conférences arabes nationales dans chaque pays pour discuter de l'esprit de réforme et pour présenter les expériences réussies dans ce domaine à l'échelon arabe et mondial. La Bibliotheca Alexandrina commence par annoncer qu'elle organisera la prochaine conférence sur “La Réforme en Egypte”.

d) Organiser des colloques arabes régionaux qui discuteront des sujets spécifiques dans les différents domaines de la réforme.

e) Former une Commission de suivi qui se réunira tous les six mois au moins, pour réviser ce qui a été accompli, dans le but de promouvoir le Forum du dialogue qui sera créé.


Conclusion

37- Les participants à la conférence affirment que la mise en œuvre des objectifs de réforme qu'ils ont formulés n'incombe pas uniquement aux gouvernements, mais aussi à la société civile. Le futur prometteur de la nation arabe ne s'accomplira qu'en déployant les énergies créatives, les efforts originaux et le travail sérieux qui associent vision et concrétisation.

 

 
 
 
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